Nairobi m’a accueilli avec son énergie brute, cette effervescence que l’on ressent immédiatement dans les grandes capitales africaines. Une ville en expansion, qui cherche encore son équilibre entre modernité et chaos urbain. En marchant dans ses rues, j’ai été frappé par un contraste saisissant : d’un côté, une ambition démesurée, palpable dans les discussions et les projets à venir ; de l’autre, une réalité urbaine encore marquée par l’absence de véritables espaces pour les piétons, des infrastructures qui peinent à suivre le rythme et un urbanisme qui semble parfois oublié dans l’urgence du développement.
Pourtant, au fil des échanges, j’ai senti quelque chose de plus profond. Une sorte de promesse silencieuse, celle d’une ville qui sait qu’elle est en train de devenir un modèle, un laboratoire de transformation pour tout un continent. Nairobi n’est pas figée dans son état actuel, elle est en transition, portée par ceux qui l’habitent et qui rêvent d’un espace urbain plus fluide, plus inclusif, plus visionnaire. Chinois, européens, américains ou Émiratis, la cour faite à Nairobi : investir et convertir le foncier informe vers des projets d’ampleur internationale.
Si l’urbanisme peine encore à offrir des solutions adaptées, un domaine a pourtant su prendre une avance indéniable : le paiement mobile. Depuis des années, le Kenya a joué un rôle de pionnier avec M-Pesa, une innovation qui a changé la vie de millions de personnes et qui reste un modèle étudié à l’échelle mondiale. Là où l’urbanisme semble chercher ses repères, la fintech kényane a su s’imposer avec une agilité impressionnante, démontrant que le progrès, lorsqu’il est pensé pour répondre aux réalités locales, peut être fulgurant.
Un proverbe africain dit : “Si tu veux savoir où tu vas, il faut savoir d’abord d’où tu viens.” Il résonne particulièrement dans cette réflexion. Comprendre d’où viennent nos villes, nos économies, nos réseaux, c’est mieux saisir vers où nous devons aller. Nairobi d’aujourd’hui, avec ses imperfections et ses promesses, est un reflet de l’Afrique en pleine mutation. Il ne s’agit pas seulement de croissance, mais d’une quête d’équilibre entre héritage et modernité, entre enracinement et transformation.
Ce voyage a réveillé une idée que nous avons toujours portée à EBF : c’est en Afrique que notre mission prend tout son sens. Nos emails le rappellent chaque jour, eux qui portent en signature “Emerging Africa”. Ce n’est pas un slogan, mais une conviction profonde, une intuition ancrée dans tout ce que nous entreprenons. L’Afrique est bien plus qu’un potentiel à révéler, elle est déjà une réalité en mouvement, une opportunité d’innovation qui se joue maintenant, sous nos yeux.
En y repensant, Emerging Africa est peut-être l’Homo Erectus de notre époque. Celui qui, après des millions d’années d’évolution, s’est redressé et a commencé à marcher vers son destin. L’Afrique, berceau de l’humanité, a vu naître cette première marche, cette première prise de conscience que l’horizon était devant, qu’il fallait avancer. Aujourd’hui, elle vit un moment similaire. Elle se redresse à nouveau, non plus seulement en tant que passé de l’humanité, mais en tant qu’avenir du monde. Ses villes, ses économies, ses cultures sont en pleine réinvention, trouvant leur équilibre entre histoire et modernité, entre ancrage et ambition.
À Urban Shift, j’étais surtout heureux d’être en Afrique, de partager ces moments avec des participants venus de toute l’Afrique sub-saharienne, de l’ouest, de l’est, du centre, des régions francophones et anglophones. Chaque conversation renforçait ce sentiment d’appartenance à un continent immense et foisonnant d’idées. Et dans chacune de ces discussions, j’avais une fierté particulière : celle de pouvoir inviter mes interlocuteurs au Maroc en fin d’année pour la Coupe d’Afrique des Nations. Un événement qui, au-delà du football, incarne cette connexion africaine que nous devons cultiver et renforcer.
À Urban Shift, j’ai eu le privilège d’être entouré d’une belle délégation, une équipe engagée dont chaque membre a enrichi ma vision du continent. Cette immersion m’a ouvert les yeux sur la Marrakech vers laquelle je retourne, celle en pleine transformation, celle dont les projets en cours et ceux à venir me donnent envie d’être partie prenante active avec EBF. J’ai ressenti, à travers les discussions, l’évidence que notre place est autour de cette table de gouvernance du rêve Marrakech, là où se construit Marrakech Ville Durable.
Pour arriver à Nairobi, nous avons dû partir de Marrakech à Casablanca, puis de Casablanca à Doha avant d’enfin atterrir ici. Un détour qui en dit long sur la nécessité d’une Afrique mieux connectée. Si l’on veut voir émerger un réseau urbain africain solide, comme le promeut brillamment C40 CITIES, nous devons aussi connecter nos airs. Aujourd’hui, notre manière de voyager rappelle le fonctionnement d’un cortex cérébral qui, pour évoluer, doit stimuler ses connexions neuronales. L’Afrique ne pourra accélérer son développement qu’en renforçant ses liaisons, en activant ces synapses économiques, urbaines et aériennes qui permettront une interaction fluide entre ses pôles d’innovation.
En quittant Nairobi, je ressens une envie nouvelle : celle de continuer à explorer ces capitales africaines, de m’y laisser surprendre, d’élargir notre vision et de connecter les points entre nos initiatives et ce continent qui ne cesse de se réinventer. Emerging Africa marche. Et cette fois, il ne s’arrêtera plus.